La sortie de l’hiver et l’arrivée du printemps

C’est à la sortie de l’hiver, au mois de mars-avril, selon la météo et la situation géographique, que les chiroptères recommencent tous les soirs, inlassablement, leur balai aérien. Comme l’hirondelle est le symbole du « retour des beaux jours », la chauve-souris est celui du retour « des belles nuits ». J’attends les unes avec autant d’impatience que les autres.

Bilan 2017 des suivis de nurseries de Chauves souris image 945x300

Après s’être dégourdies les ailes et les pattes, et s’être « requinquées » pendant un mois, les femelles se regroupent dans des nurseries où vont avoir lieu fécondation, gestation, mise bas et élevage des jeunes. L’accouplement ayant eu lieu à l’automne, les mâles sont exclus et vivent isolés. Chacun a donc rejoint ses quartiers d’été.

Les mâles utilisent des gîtes sommaires pour se reposer la journée pendant la belle saison.  C’est donc eux qu’il sera facile d’attirer au jardin, pour nous aider à lutter contre certains insectes un peu trop… « collants ».

L’été, une période active pour les femelles chiroptère

Création de la nurserie

Les femelles, quant à elles, choisissent avec minutie le lieu de leur nurserie pour élever leur petit. Il doit répondre à des critères précis et variables d’une espèce à l’autre :

  • température
  • humidité
  • ventilation

il s’agit souvent d’un lieu plutôt sombre, trés tranquille, avec une température plutôt agréable : grenier, clocher d’église, bardage, tronc d’arbres.

Ces lieux aux conditions multifactorielles sont impossibles « à imiter » avec de simples nichoirs. Ainsi, la destruction d’une de ces colonies est une perte irrémédiable pour la biodiversité et pour vous, jardiniers, qui perdez à la fois une armée de soldats prête à en découdre avec les insectes appréciant un peu trop votre potager en permaculture, et un engrais inégalable : le guano.

Le bébé chauve-souris

Les chauves-souris donnent naissance à 1, exceptionnellement 2, petit(s) par an : leur fécondité est très faible. Cela peut s’expliquer par un nombre de prédateur limité, l’élevage par un seul parent, et, est compensé par une grande longévitéLa fertilité de la chauve-souris est donc comparable à la nôtre et n’a rien à voir avec celle, prolifique et parfois inquiétante, des souris, même si elles partagent avec elles une partie de leur patronyme.

Le petit peut peser le tiers du poids de sa mère à la naissanceC’est énorme, et en même temps une jeune chauve-souris nouvellement née, ne pèse pas 2 grammes et à la taille d’une grosse abeille pour la pipistrelle par exemple. Les jeunes sont allaités jusqu’à leur émancipation au bout de 4 à 6 semaines ce qui coïncide avec la fin de l’apprentissage du vol et ainsi la possibilité de se nourrir seul. N’ayant pas de réserves, et peu d’expérience, les jeunes sont particulièrement vulnérables à ce moment de leur vie, où les conditions météo peuvent être redoutables. On estime que moins de la moitié arrive à passer avec succès cette étape.

Lorsque les femelles sortent pour se nourrir, elles laissent leurs nouveau-nés qui s’agglutinent les uns contre les autres pour limiter les pertes caloriques (thermorégulation sociale). Cela ne les empêche pas de retrouver, à leur retour, chacune le leur et de n’allaiter que lui.

En cas de dérangement d’une colonie, les femelles peuvent emporter leur petit en vol et ainsi changer de nurserie.

L’automne, la période de l’accouplement

A l’approche de l’automne, mâles et femelles se regroupent pour l’accouplement. Phénomène assez rare dans le monde animal, la fécondation est différée au mois de mai suivant pour permettre au jeune de voir le jour dans une période propice à sa survie. On retrouve un phénomène analogue chez le chevreuil.

L’hiver, le temps de l’hibernation

Enfin, il est temps de songer à faire des stocks pour la saison hivernale à venir. A cette occasion, les réserves emmagasinées par les chauves-souris peuvent représenter un tiers de leur poids. Après quoi, il est grand temps de rejoindre les quartiers d’hiver pour une hibernation de plusieurs mois où toutes les fonctions de leur organisme tournent au ralenti à l’image de la respiration qui passe, de 4 à 6 mouvements respiratoires par seconde, à des apnées pouvant durer 1 h, 1h 30. La température du corps n’est que de quelques degrés au-dessus de la température ambiante. Les quartiers d’hiver sont donc comme les nurseries, choisis avec minutie :

  • lieu hors gel
  • température relativement stable
  • hygrométrie élevée (pour ne pas détériorer la membrane de leurs ailes, le patagium)

Il s’agit donc le plus souvent de grottes, anciennes mines, caves accessibles et parfois de gros arbres creux à condition que leurs parois fassent plus de 10 cm d’épaisseur. Ces quartiers d’hiver peuvent être partagés par plusieurs espèces, ce qui n’est pas le cas dans les nurseries qui restent monospécifiques.

Pour éviter des hivers trop rudes, certaines chauves-souris migrent pour hiberner plus au Sud, par exemple de la Pologne au lac Léman, de la Suisse à la région de Valence. Cela dépend des espèces et même parfois de la répartition géographique à l’intérieur d’une même espèce : celles du Nord migrent, pas celle du Sud.

Il arrive que certains hivers cléments dans les zones les moins rudes, côtes atlantiques et méditerranéennes, les chauves-souris troquent « l’hibernation » contre un « état de dormance » lors des quelques semaines les plus rudes.

Enfin, il est possible que les chauves-souris se réveillent pendant la période hivernale, les obligeant à remettre en route l’ensemble de leur machinerie. Cela nécessite une quantité d’énergie non négligeable épuisant les réserves de l’animal plus rapidement que prévu. Souvent causé par des dérangements comme des contacts légers, un éclairage prolongé ou des photos avec flash, cela peut leur être fatal. Naturellement, il arrive que les chiroptères sortent de leur léthargie pour voler dans leur gîte, uriner, déféquer, voire boire et manger selon la période. Dans ces cas-là, ces réveils sont rarement meurtriers.

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