Un précepteur, qui est-ce ?
Ok, visite guidée.
Suivez-moi à un carrefour, un panneau publicitaire, un feu rouge…et vous découvrirez aussitôt : « Cours à domicile… »
L’avez-vous maintenant deviné ? Un précepteur, c’est celui qu’on appelle notoirement un « répétiteur ».
Cela dit, la tendance aujourd’hui est d’avoir recours à ces messieurs qui vous aident à « répéter » vos leçons de maths, physiques, français et autres.
Si auparavant seuls quelques privilégiés pouvaient s’offrir le luxe des cours particuliers, de nos jours, en effet, la porte est ouverte à toutes les bourses. C’est qu’en la matière, ces dernières années l’offre s’est considérablement étoffée. Un bond dans le passé, voir les années 90, montre que les cours à domicile, ici au pays de Drogba, étaient surtout dispensés par des étudiants. Ces cours, pour la plupart d’entre eux, permettaient au moins de s’octroyer une carte de bus ou un peu d’argent de poche.
Quelques années après, même si ces « pionniers » ne démordent pas, il y a lieu de noter qu’ils ne sont plus seuls maîtres du terrain.
Effectivement, des enseignants, instituteurs, professeurs, et même des établissements scolaires, se sont aussi invités dans la danse.
Forte demande
Pour Jean-Jacques, étudiant en lettres modernes à l’université Félix Houphouët Boigny, et répétiteur à ses temps libres, même si la concurrence est devenue rude, chacun y gagne quand même son compte.
Si malgré la compétition, tout un chacun a sa place au soleil comme le fait remarquer Jean-Jacques, c’est que, quoi qu’il en soit, la demande de cours particuliers pèse toujours dans la balance. Ce fait peut s’expliquer par la baisse de niveau général des élèves depuis plusieurs années. Les effectifs pléthoriques ne permettant pas d’encadrer convenablement les apprenants, les parents d’élèves, par conséquent, désirent mieux former leur progéniture par le biais de répétiteurs. Et puis il y a que le marché du travail est devenu de plus en plus concurrentiel, plus exigent. Les portes ne s’ouvrent qu’à ceux qui vont loin dans les études.
L’avantage du « pédagogue »
En outre la demande de répétiteur « pédagogue » semble de plus en plus primer. Beaucoup, en effet, estiment qu’il faut confier l’enfant à un enseignant, voire son propre instituteur, ou professeur.
C’est l’avis de Dame Adjoua, commerçante de vivriers au grand marché d’Abobo :
« Ma fille qui passera l’entrée en sixième cette année, est suivie par son maître. Je trouve que c’est mieux ainsi car connaissant bien les faiblesses de son élève, il saura les corriger. ».
M. Digbeu, comptable dans une société de la place, abonde dans le même sens que Dame Adjoua :
« Mon fils qui est en classe de 4ème est encadré par son professeur de maths. Car lui a été formé à l’ENS (Ecole Normale Supérieure), et donc a la pédagogie appropriée pour dispenser son savoir.
Toutefois d’aucuns estiment que les tarifs des enseignants de métier sont un peu excessifs comme le faite observer M. Coulibaly, libraire à Adjamé :
« Avant on pouvait payer 15000 ou 20000 pour un collégien. Mais aujourd’hui, avec les enseignants les coûts ont pratiquement doublé ! ».
Pour établir la jonction entre tous les points de vue, certains établissements scolaires proposent des « cours de renfo. ». (Entendez par là des cours de renforcement). Là, les tarifs sont abordables, et le savoir est dispensé par des pédagogues.
Source de revenus substantiels
Les cours particuliers sont devenus pour beaucoup une source de revenus non négligeable. Effectivement, si pour certains cette activité permet de joindre les deux bouts, pour d’autres c’est tout bonnement un salaire mensuel en bonne et due forme qu’ils engrangent.
M. Achi, instituteur à Treichville, reconnaît que les cours à domicile lui permettent au moins d’assurer la popote du mois.
Quand à M. Dembélé, étudiant dans une grande école de la place, ses camarades le surnomment « Petit fonctionnaire ». En effet, ce dernier dispensant des cours particuliers à 4 élèves du premier cycle, à raison de 30.000F par apprenant.
De façon générale, les gains varient selon les niveaux d’étude des élèves et peuvent, dans certains cas, approcher la barre des 250.000FCFA par mois !
Le résultat est-il au rendez-vous ?
Si les précepteurs d’aujourd’hui ont de quoi se faire envier, leur apport est-il toujours évident ?
Les avis, ici, sont partagés.
Pour M. Digbeu, l’apport du répétiteur est net. En tout cas, lui a vu son fils primé l’année dernière. Ce dernier a eu 18/20 de moyenne en mathématiques et 16/20 en physiques, occupant chaque fois le rang de 1er dans ces deux matières.
M. Achi, lui est plus nuancé, car dit-il, que tout dépend de la volonté de l’élève à se mettre au travail. « Vous aurez beau avoir le meilleur enseignant de la planète, si vous-même ne faites aucun effort d’apprendre vos leçons ou de faires vos exercices, vous échouerez lamentablement. », tranche-t-il.
Pour Dame Adjoua, les répétiteurs sont de loin d’un apport positif dans la mesure où, selon elle, les enfants d’aujourd’hui sont très précoces et donc ont grandement besoin d’être suivis. « Ils intègrent la maternelle pratiquement à 3 ans, d’autres même à 2ans. Et donc s’ils ne doublent pas ils sont au bac entre 15 et 17 ans, au grand tard à 18ans. Comparée à notre époque, nous on était à cet âge en troisième ! ». Clarifie-t-elle.
Toutefois, selon M. Dembélé, l’incursion permanente de répétiteur dans la vie scolaire de l’enfant peut le conduire à une dépendance, voire même à la paresse. En effet, il peut arriver que certains élèves n’aient plus d’initiatives personnelles. Que ceux-ci, habitués à un maître de maison, ne travaillent que lorsque ce dernier les stimule.
« J’ai connu des cas où même pour apprendre la leçon d’histoire il fallait que je sois là d’abord. Ou qu’il fallait que je leur donne moi-même des exercices de maths sinon ils m’attendaient les bras croisés. ». Déplore le « Petit fonctionnaire ».
Excellence ok mais attention, Danger
Autre point focal, la santé des apprenants. A trop tirer sur la corde ne risque-t-elle pas de rompre ? Autrement dit, à mettre les enfants à rude épreuve par d’assidus cours à domicile ne les expose-t-on pas à un surmenage ?
« Il est clair que quand l’élève finit à 17h et qu’il doit encore rester à l’école pour des cours de renfo. à 18h, ça fait un peu trop. ».. Reconnaît M. Achi instituteur de son état.
En conclusion
Les parents d’élèves doivent comprendre qu’employer un répétiteur ne garantit pas forcément le succès. Si le dispensateur du savoir doit maîtriser son art, l’apprenant a quant à lui l’obligation d’y mettre du sien. Et sa santé doit primer. En outre, le phénomène ayant pris de l’ampleur, peut-être est-il temps, du côté du Ministère de l’Education Nationale, de regarder les choses de plus près. Pourquoi pas un nouveau corps d’enseignants ?