Quelle est la portee de l'arret blanco du 8 Fevrier 1873 ?

Si l’arrêt Blanco est admis par tous comme étant un arrêt fondateur de la jurisprudence administrative, la construction ultérieure doit conduire à nuancer les règles qu’il dégage en matière de répartition des compétences. Il est admis dans l’arrêt Blanco que le critère de répartition des compétences est la présence d’un service public, mais il semble ne plus être suffisant.

On peut définir la mission de service public comme étant une activité d’intérêt général exercée par ou sous le contrôle d’une personne publique. Toutefois, une telle définition est beaucoup trop large pour déterminer si dans tel ou tel cas de figure, une activité constitue ou non une activité de service public. Il faut pour cela distinguer si l’activité est gérée par une personne publique ou par une personne privée.

Dans le premier cas de figure, l’activité exercée par une personne publique est en quelque sorte présumée être un service public dès lors qu’elle poursuit une activité d’intérêt général.

Toutefois, cette notion d’intérêt général a beaucoup évolué et une telle activité comme le théâtre qui était jugé comme ne constituant pas une activité d’intérêt général (Conseil d’Etat, 7 avr. 1916) s’est vue dès 1923 reconnaître un tel label (CE, 27 juill. 1923, Gheusi).

Dans le second cas de figure, et depuis sa célèbre jurisprudence d’assemblée de 1938 « caisse primaire aide et protection » (Conseil d’État Assemblée, 13 mai 1938, caisse primaire aide et protection), le Conseil d’État reconnaît que des personnes privées peuvent gérer un service public.

Dans certaines hypothèses, le législateur a ainsi expressément conféré à certaines personnes morales de droit privé une telle mission. Il en va ainsi pour les fédérations.

Quand le législateur ne s’est pas prononcé sur cette question, il faut appliquer deux décisions rendues par le Conseil d’État, la seconde venant compléter la première sans toutefois la rendre obsolète.

Ce n’est qu’en 1963 avec la décision de l’arrêt Narcy (CE, sect., 28 juin 1963) que le Conseil d’État nous donne ces critères.

Dans la décision Narcy et en l’absence de volonté expresse du législateur, le Conseil d’État va poser trois critères cumulatifs pour qu’une activité gérée par une personne privée puisse être reconnue comme un service public. Elle doit :

  • Assurer une mission d’intérêt général (CE 27 octobre 19991) ;
  • Etre sous le contrôle de l’Administration (CE, 23 mai 2011, Cne de Six-Fours-les-Plages) ;
  • Etre dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique

Pour déterminer si une activité gérée par une personne privée constitue ou non une activité de service public, il faut d’abord appliquer la jurisprudence Narcy et ses trois critères.

Toutefois, l’absence de prérogatives de puissance publique n’est plus nécessairement une cause d’absence de service public.

Cette décision pose en effet que même en l’absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l’intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu’aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l’Administration a entendu lui confier une telle mission (CE 2007,Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés).

Ainsi, bien que l’arrêt Blanco soit revêtu d’une portée symbolique, certains auteurs s’accordent à dire que l’évolution jurisprudentielle invite à relativiser son apport, d’autres, plus critiques, soutiennent qu’il est périmé.

Il n’en demeure pas moins que le point de départ de la responsabilité administrative construite par l’autorité administrative et soumise à sa jurisprudence. Cette responsabilité ne cesse de prendre de l’ampleur.

L’on peut citer à titre d’illustration la décision du 24 décembre 2019 du Conseil d’État qui a reconnu la possibilité d’engager la responsabilité de l’État du fait d’un texte qui ne serait pas constitutionnel.

Les articles precedents:

https://www.fomesoutra.com/reportage/item/3777-commentaire-de-l-arret-blanco-2
https://www.fomesoutra.com/reportage/item/3774-e
https://www.fomesoutra.com/reportage/item/3776-commentaire-de-l-arret-blanco-1

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